Grand oral ENM – Le sujet de culture générale (1)

Salut à tous / toutes !

« En tout état de cause, le jury tient compte de cette part d’aléa et n’ignore pas que les candidats ne peuvent tout connaître. (…) Son appréciation ne porte pas tant sur l’étendue des connaissances que sur la manière de traiter la question (qualités de réflexion, de clarté, d’élocution, capacité à maîtriser le temps) ».

Ce n’est pas moi qui invente cette phrase dans le but de vous rassurer : elle figure dans le rapport du jury 2016. Je l’ai placée en introduction de mon article pour tenter de « déminer » une angoisse souvent forte avec ce sujet de culture générale. « Et si je connais pas grand chose au sujet ? Et s’ils me posent des questions tordues, du genre Quelle est la capitale du Botswana, et que je ne sais pas répondre ? ». Très franchement, ignorer la capitale du Lesotho, ça passerait, mais la capitale du Botswana, quand même…

J’ai voulu insister sur ce point car c’est fondamental pour ne pas se méprendre sur la nature de l’épreuve : c’est une épreuve « de forme » bien plus que de culture générale « pure ». Le jury reconnaît lui-même que les candidat(e)s ne peuvent pas tout connaître et que la manière de traiter la question prime !

Voyez le « problème » dans ce sens : si vous avez plein de choses à dire sur votre sujet et que vous pourriez écrire un article dessus, c’est une chance pour vous et tant mieux ! Vous partirez avec un a priori très favorable pour la suite de l’entretien et courez vers la bonne note. Mais la situation normale est de devoir se creuser un peu le cerveau pour réaliser l’exposé : hormis quelques chanceux/ses, tout le monde est logé à la même enseigne.

Dans ce premier article consacré au sujet de culture générale au grand oral de l’ENM (dur à dire sans reprendre sa respiration), je décortique les attentes des examinateurs à partir de mon expérience et – surtout – des très instructifs rapports du jury. Un autre article sera consacré aux sujets et aux révisions à entreprendre pour pouvoir s’en sortir quoi qu’il arrive !

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Dans la tête des examinateurs

Qu’attend le jury de votre (magnifique) exposé sur un sujet de culture générale ? On pourrait croire qu’il attend avant tout une bonne culture générale. Ce n’est toutefois pas le cas. Pour réaliser un bel oral de culture gé, il faut :

De la clarté et une bonne maîtrise du format de l’épreuve

Votre oral doit être « propre », pas forcément brillant. Tenir les cinq minutes imparties, présenter deux parties bien articulées, avec une petite introduction, et une grande partie du boulot sera faite. Comme dans presque toutes les épreuves du concours de l’ENM, il s’agit d’une question de forme et de méthode plutôt que d’une véritable question de fond.

Vous l’aurez deviné : derrière cette recherche de clarté et de capacités à l’oral se cachent les qualités attendues du magistrat parfait, qui doit être capable de s’exprimer clairement et de manière synthétique, en audience publique ou de cabinet. Beaucoup m’ont déjà écrit par mail ou en commentaire qu’ils pensaient ne pas « être à l’aise à l’oral ». Bien souvent, c’est faux car on se sous-estime. Plus qu’à l’écrit, il est difficile de s’évaluer car on ne peut se dédoubler et « se voir à l’oral », à moins d’être Antoine de Maximy et avoir une Go-Pro braquée sur soi. Si vraiment vous ne vous sentez pas à l’aise, comme pour les oraux techniques, faites des oraux blancs avec une victime un(e) ami(e). Pour le reste, vous aurez largement le temps de peaufiner votre éloquence à l’école !

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De l’entrain, de l’envie, de la vie !

Ce n’est pas un slogan pour les produits laitiers ni pour une salle de fitness dans la banlieue d’Angoulême. C’est en revanche impératif pour que votre jury ne s’endorme pas et qu’il n’ait pas l’impression que vous n’êtes pas heureux/se d’être là. Les examinateurs ont pour la plupart un certain âge et vous parlent d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : vous incarnez à leurs yeux la jeunesse, la fougue, bref, la relève.

Ils ne comprendront donc pas que des candidat(e)s tirent des têtes d’enterrement, crispé(e)s dans leur nouveau costard/tailleur acheté sur Vente privée. Être à l’aise le jour de son grand oral relève du miracle, bien entendu, mais efforcez-vous de donner l’impression que c’est le cas. Ça peut paraître idiot, mais montrer une attitude alerte, un ton presque enjoué, ou tout simplement sourire (de temps à autre : évitez de ressembler au Joker ou à Mr. Bean), c’est montrer au jury que vous avez les crocs, que vous êtes dans l’arène pour en découdre : que vous allez être acteur/trice de votre oral, et pas le subir.

Je résume ce qui se passe dans la tête du jury : « Je suis président honoraire de la chambre commerciale de la Cour d’appel de Versailles, j’ai 67 ans ; je suis content de participer à la sélection des jeunes collègues qui nous remplaceront ; je ne veux pas voir des étudiants au bout du roulax ».

Des capacités de réflexion

Vous ne tomberez probablement pas sur votre sujet rêvé, celui que vous imaginiez en lovant votre tête contre l’oreiller. Mais vous connaitrez toujours suffisamment d’éléments pour pouvoir bâtir un raisonnement simple. Même si vous « séchez » un peu, pas de panique : au détriment du contenu brut et des exemples, concentrez-vous sur vos deux parties et montrez une évolution, le « mouvement » de la question.

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« Les futurs magistrats doivent être certes de bons techniciens du droit, mais leur niveau culturel est très important. (…) Par-delà l’aléa consubstantiel au tirage au sort et à la grande variété des sujets soumis à celui-ci, cette « sous-épreuve » permet de mesurer les capacités d’adaptation et de rebond des candidats. Mais dans l’ensemble le manque de connaissances et parfois de réflexion est assez cruel… ».

Jean-Paul Costa, vice-président du jury 2016, en annexe du rapport du jury.

De la culture générale

Vous noterez que je l’ai mise volontairement en quatrième et dernière position, parce que comme le laisse comprendre la phrase que j’ai mise en introduction, ce n’est pas la qualité primordiale recherchée. Il ne s’agit en aucun cas de viser l’exhaustivité. L’objectif est d’acquérir la culture de l’honnête citoyen, qui peut tenir cinq minutes sur un sujet et discuter un peu dessus, pas devenir chroniqueur sur France Culture. Je reviens sur le sujet dans l’article suivant…

Enfin, pour les plus à l’aise à l’oral, une touche d’humour fin et subtil sera très appréciée et rendra votre prestation originale. Bien sûr, tentez-le si vous le sentez : l’idée n’est pas d’envoyer un « C’est un Américain, un Belge et un écureuil dans un avion... ». En tout cas, ne vous en privez pas si vous en avez envie. Enfin vous m’avez compris(e).


« Quant à la culture générale, sous ses divers aspects, littéraire, historique, géographique, politique, artistique…, elle est très décevante. Les candidats ayant fait Sciences Po sont un peu meilleurs que ceux n’ayant étudié que dans des Facultés de droit, et ceux ayant suivi des Prépas, un peu moins mauvais que les autres, mais l’ensemble est assez attristant ».

Jean-Paul Costa

C’est un constat personnel et empirique du vice-président, mais ne vous y arrêtez pas. Les juristes partent souvent du principe que c’est foutu pour foutu, et que les « sciencepistes » vont nécessairement les éclater avec leur vaste culture générale. C’est faux. Des révisions efficaces et ciblées, ainsi qu’une bonne compréhension de l’épreuve, valent bien plus qu’un semestre de cours du genre « Public institutions and global governing policies » (et toc).

Dans l’article suivant, je vous indiquerai quoi et comment réviser en vue du sujet de culture générale : vous arriverez à votre oral aussi affûté(e) intellectuellement que Fred et Jamy. Les maquettes en carton en moins.

From ENM, with love


6 réflexions sur “Grand oral ENM – Le sujet de culture générale (1)

  1. Salut à toi,

    Message de détresse d’une préparatrice au concours désarmée face au droit public … (c’est grave docteur?)
    Est-ce que tu as des conseils pour préparer l’épreuve de droit public ? Mon commentaire n’a rien à voir avec l’article ci-dessus, inutile de le préciser, mais ça reste toutefois en lien avec une épreuve écrite 🙂

    Merci d’avance pour ta réponse

    Marine

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    1. Bonjour Marine!

      Ah, le droit public… What else ? 🙂 Je prépare actuellement des articles sur la préparation des écrits, dont une série sur l’épreuve de droit public, sur le modèle des autres (Dans la tête du correcteur, Comment réviser, et Les meilleurs manuels). J’essaie de me dépêcher, mais la scolarité à l’ENM ne laisse guère le temps de s’adonner à ce genre de plaisirs… Cela dit, ils arriveront bien assez tôt pour la préparation, en espérant qu’ils te soient utiles! Dans tous les cas, no panic : le droit public est la matière que tout le monde redoute et où les notes sont les plus basses. Une faible note ne créé pas d’écart avec les autres, alors qu’une bonne note permet de prendre un petit avantage : bref, c’est tout bénéf.

      Bon courage à toi pour le début de la préparation et la confrontation avec Blanco, Jamart et leurs descendants!

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      1. Bonjour,

        Génial, il me tarde de te lire à nouveau alors. J’imagine très bien que la vie d’auditrice de justice ne permet pas toujours de s’adonner à l’écriture de ces articles (qui sont un vrai bonheur pour tes lecteurs :-), et qui me démotivent toujours ) .
        Merci pour tes mots rassurants, j’avais effectivement lu dans les rapports du jury que les notes ne volaient pas très haut, tout comme le niveau (ce qui me rassure vu les allergies que me provoquent cette matière 🙂 ) .

        Merci merci et encore merci !

        Courage à toi pour cette fabuleuse formation !

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  2. il va de soi que tes articles me MOTIVENT toujours, à l’écriture intuitive … (bon c’est vrai que je me perds parfois sur ton blog dans mes dures moments de révisions, mais ça n’est jamais du temps perdu 😀 )

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  3. Bonjour,

    Autre message de détresse d’une préparatrice au concours qui passe son grand O dans un peu plus d’un mois… Je suis un peu perdue dans ma préparation de l’épreuve de culture générale j’ai tendance à vouloir faire trop de choses et résultat j’ai le sentiment de totalement m’éparpiller et de tout survoler.. Bref, tu l’auras compris, j’attends ton prochain article sur la préparation de cette épreuve encore plus impatiemment que la saison 8 de Game of thrones c’est pour dire … 😉 Aurais-tu quelques conseils à me donner d’ici là ?

    Aimé par 2 personnes

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